Présentation

Né en 1863 à Nidau, Albert Trachsel entreprend des études d’architecture à l’école des Beaux-Arts de Genève où il est l’élève de Barthélémy Menn. Il poursuit sa formation à l’École polytechnique de Zurich, avant d’intégrer l’École des beaux-arts de à Paris, où il s’installe en 1882. Il y fréquente assidument les milieux symbolistes, se liant avec Eugène Carrière, Paul Gauguin, Stéphane Mallarmé, Jean Moréas ou encore Paul Verlaine. Dès  1892, il prend part au premier Salon de la Rose+Croix, où il expose des dessins d’architecture aux côtés de Félix Vallotton et de son ami Ferdinand Hodler. Outre son œuvre, essentiellement graphique, d’inspiration idéaliste, Trachsel s’implique dans la diffusion du symbolisme par la rédaction de nombreux essais critiques, notamment sur l’art suisse. Il exécute et réalise en 1896 la décoration du Théâtre du Sapajou à Genève, lieu de ralliement des jeunes artistes à l’Exposition nationale suisse. L’année suivante, il réunit dans l’album Les Fêtes réelles des dessins d’architectures fantastiques, marqués tant par le symbolisme que par l’architecture utopique d’Étienne-Louis Boullée et de Claude-Nicolas Ledoux. De retour à Genève en 1901, il abandonne définitivement l’architecture pour se consacrer plus pleinement à la peinture, en y associant directement ses aspirations littéraires et ses recherches spiritualistes. Trachsel entreprend de longs voyages à pied en Suisse, dont il rapporte des aquarelles de paysages de l’Oberland bernois, des Grisons et du Tessin. A partir de 1905, parallèlement à son travail sur le motif, l’artiste œuvre pendant près de dix ans à un important cycle de « paysages de rêve », une œuvre picturale majeure qu’il associe directement à l’écriture de poèmes, de récits et de contes fantastiques. A l’éclatement de la première guerre mondiale, Trachsel restreint sa production à des aquarelles de paysages, essentiellement genevois, dépourvus de tout aspects fantastiques. Il meurt d’une crise cardiaque quinze ans plus tard sur le quai de la gare de Genève, alors qu’il se rend au vernissage de la première exposition consacrée à l’ensemble de son œuvre, à la Kunsthalle de Berne.

Le pastel que nous présentons illustre bien le tournant que prend la production de Trachsel dans les années 1900, mêlant à son travail de paysagiste un symbolisme singulier. Deux amants, étendus sur une élégante barque d’allure nordique, s’abandonnent à d’intimes échanges, entourés de fleurs, au beau milieu d’un lac, aux pieds d’imposantes montagnes. Dans cette étrange composition harmonisant rêves et réalités, la scène idyllique du premier plan contraste quelque peu avec le traitement rigoureux des contours et des aspérités des rocs montagneux, librement puisés par l’artiste lors de ses études sur le motif dans les Alpes. Trachsel saisit en de puissants contrastes les effets de lumière sur les hauteurs des massifs enneigés, laissant apparaître à l’arrière-plan un cumulus nuageux qui équilibre la masse minérale de la partie droite. A l’image du Lac de Lamartine, fleuron de la poésie romantique où de pieux amants voguent aux pieds des montagnes, l’artiste semble nourrir une certaine réflexion sur l’écoulement du temps, opposant la fugacité des sentiments à la pérennité d’un décor naturel qui a vu accumuler ces éléments pierreux à travers les siècles. Il emploie à bon escient l’aspect suggestif du pastel pour traduire le caractère évanescent de cette scène imaginaire, dont le paysage même apparait comme le miroir d’un monde intérieur. Autant d’éléments qui confère définitivement à Trachsel, à l’instar de son ami Hodler, une place à part dans la peinture suisse du début du XXe siècle.

Œuvres
Expositions