S’il put jouir en son temps d’une véritable notoriété, tant en France qu’à l’étranger, le peintre Lucien-Victor Guirand de Scévola reste aujourd’hui encore injustement méconnu du grand public. Alors que certaines de ses oeuvres figurent régulièrement au sein des grandes manifestations consacrées au courant symboliste, l’artiste n’a fait l’objet d’aucune rétrospective depuis sa mort en 1950, et reste encore relativement peu exposé au sein des institutions publiques.
Né en 1871 dans l’Hérault, à Sète, au sein d’une famille de négociants en vin, Scévola est envoyé tout jeune à Paris pour faire ses études au Lycée Colbert. Poussé par son père qui souhaite lui faire acquérir une solide formation d’entrepreneur, le jeune homme intègre par la suite une grande maison industrielle parisienne, mais désireux de s’adonner pleinement à la peinture, il démissionne au bout de quelques temps et entre dans l’atelier du peintre Pierre Dupuis, puis dans celui de Fernand Cormon à l’École des beaux-arts de Paris. Exposant au Salon des Artistes français à partir de 1889, le jeune artiste pratique assez tôt le portrait mondain avec lequel il s’assure un succès durable, et présente dès 1894 des oeuvres qui témoignent de son intérêt très marqué pour la nouvelle esthétique symboliste qui s’épanouit alors sur les cimaises des différentes manifestations artistiques. Cette courte période idéaliste de Scévola, particulièrement estimée, se caractérise essentiellement par la représentation de visages féminins retranscrits dans une atmosphère moyenâgeuse, évoquant les princesses et sorcières du temps jadis. Sa solide formation académique ne l’empêche pas d’exploiter cette nouvelle veine esthétique à travers de multiples expérimentations graphiques, participant par là même au décloisonnement qui s’opère alors entre les techniques dans les dernières décennies du XIXème siècle.
Outre le pastel, propice à une expression plus diffuse des formes et des couleurs, Scévola privilégie l’aquarelle pour ses représentations symbolistes, comme en témoignent celles qu’il présente à l’Exposition Universelle de 1900 : Adoration, Soeurs, Vierge (n° 970, 971 et 972 du groupe II, classe 7).
Devenu un portraitiste à la mode au début du XXème siècle, le jeune artiste délaisse le Salon des Artistes Français à partir de 1902 pour le Salon de la Société Nationale des Beauxarts, jugé plus libéral, et bénéficie d’importantes expositions personnelles en 1903 à la Goupil Gallery de Londres, en 1912 à Buenos Aires, et en 1923 à la galerie Georges Petit à Paris. Ses succès, reconnus par la plupart des critiques de l’époque, mais jugés quelque peu mondains par d’autres ne l’empêchent pas de participer à plusieurs reprises à des manifestations beaucoup plus avant-gardistes, tel les Indépendants ou le Salon d’Automne en 1905 et 1906, au sein duquel son oeuvre, encore toute idéaliste d’esprit, est une fois encore très remarquée.
Officier de la Légion d’honneur en 1914, considéré comme l’un des inventeurs du camouflage militaire durant la Première Guerre mondiale aux côté de Jean-Louis Forain, Lucien-Victor Guirand de Scévola abandonna l’esthétique symboliste progressivement passée de mode pour se tourner vers une production un tant soit peu plus classique, principalement constituée de portraits, de natures mortes et de paysages, obtenant un relatif succès à la Société Nationale des Beaux-arts, dont il devient président en 1937, avant de s’éteindre dans son appartement parisien le 29 mars 1950.
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