« J’avoue que ces œuvres délicates, d’une exécution minutieuse et serrée, d’une absolue distinction de coloris, qui conservaient dans la sincérité de leur facture comme une poésie de quiétude rustique, me surprirent dans ce milieu plutôt hurleur et extravagant[1] ». En novembre 1899, dans son compte-rendu de l’exposition du
Salon des Cent, où Firmin Maglin présente une soixantaine de toiles, Octave Uzanne ne manque pas de décrire la surprise qui fut la sienne lorsqu’il fit pour la première fois la découverte des paysages de l’artiste, quelques années plus tôt, à l’occasion du Salon des Indépendants. L’homme de lettres perçoit le symbolisme singulier que contiennent ces vues pures, apaisées, traitées de manière synthétique et privilégiant l’intimité du motif rural, à l’image des trois tableaux que nous présentons ici.
Fils d’un peintre sur porcelaine établi à Paris, Firmin Maglin s’initie d’abord au dessin dans deux écoles communales de la capitale, Germain‑Pilon et Bernard‑Palissy, avant d’entrer dans les ateliers de Ferdinand Humbert et Henri Gervex. En 1890, il fait ses débuts au Salon des Artistes Français, où il expose régulièrement jusqu’en 1909. En parallèle, il présente ses tableaux dans des cercles plus avant-gardistes, en participant sans discontinuer au Salon des Indépendants entre 1894 et 1914, ainsi qu’au Salon d’Automne en 1903 et 1904. C’est en 1894 qu’il se fait véritablement remarquer par la critique en envoyant une série de paysages aux trois expositions des
Peintres Impressionnistes et Symbolistes, alors successivement organisées en mars, juillet et novembre au sein de la galerie
Le Barc de Boutteville. Dès l’année suivante, il prend part au
Salon des Cent imaginé par Léon Deschamps, tout juste lancé dans le hall de la revue
La Plume. En 1902, Maglin quitte la capitale pour s’établir dans le Loiret, entre Montgeron et Chantecoq, un cadre champêtre qui par la suite n’a de cesse de nourrir le sujet de ses toiles. Cette mise à l’écart volontaire des agitations de la capitale ne l’empêche pas de figurer dans les principales expositions, à Paris comme à Londres, où certains de ses paysages et portraits sont accrochés sur les cimaises de la
Doré Gallery en novembre 1908. C’est dans ce contexte de renommée internationale que trois de ses vues poétiques intègrent en 1904 la collection de Sergueï Chtouchkine
[2], un témoignage supplémentaire de sa reconnaissance au sein des milieux d’avant-garde.
[1] Uzanne, O., « Un peintre de quiétudes rustiques – M. Firmin Maglin », La Plume, novembre 1899, p. 720.
[2] Daté de 1894, l’un ces trois paysages est actuellement conservé au musée d’Odessa, les deux autres, datés de 1898 et 1899, sont dans les collections du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (inv. 6558 et 7715).