Présentation
Fils d’un graveur-ciseleur rémois, le peintre Émile Wéry se rend très jeune à Paris où il suit successivement les enseignements de Léon Bonnat, Jules Lefebvre et François Flameng à l’Académie Julian. C’est au sein de cette célèbre école qu’il se lie d’amitié avec Henri Matisse, occupant unatelier contigu au sien sur le boulevard Montparnasse. A la faveur d’un voyage en Bretagne qu’ils firent avec Augustin Hanicotte au printemps de l’année 1896, Matisse rapporte l’adoption par Wéry de certains principes esthétiques de l’impressionnisme, notamment une gamme chromatique vive et claire : « Je n’avais alors que des bistres et des terres sur ma palette, alors que Wéry, lui, avait une palette impressionniste ». Exposant au Salon des Artistes Français dès 1889, le jeune artiste rencontre un certain succès, obtenant desmédailles de troisième et deuxième classe en 1897 et 1898, puis une médaille d’argent à l’Exposition Universelle de 1900, avant d’être nommé chevalier de légion d’honneur en 1906. Ses paysages atmosphériques comme ses sujets bretons sont rapidement prisés par des collectionneurs réputés, tels le comte Edward Aleksander Raczyński et Henry Vasnier. Vers 1910, il se fixe en Provence, d’abord tout près de Renoir et de sa maison des Collettes, puis vers la fin de la guerre aux Hauts-de-Cagnes, dans un vieux moulin qu’il baptise « La Maison rouge » et dont il orne de fresques la salle à manger.
Datée de 1889, la toile que nous présentons s’inscrit dans le rare corpus des œuvres de jeunesse d’Emile Wéry. Encore assez éloignée de tout impressionnisme, elle traduit davantage, tant par son sujet qu’au niveau technique, l’intérêt que lepeintre porte en premier lieu pour le synthétisme des nabis.L’affectueuse dédicace à « l’ami Émile Bernard », vraisemblablement rencontré sur les bancs de l’Académie Julian, témoigne d’une réelle proximité avec le groupe d’avant-garde, exposants leurs toiles cette même année au café Volpini, dans le cadre de l’Exposition Universelle. Wéry nous introduit ici dans l’intimisme d’une petite chambre à coucher où sommeille une jeune femme, étendue sur son lit. Traitée en larges aplats avec un sens du raccourci en partie dérivé des estampes japonaises, la composition se fonde sur un réseau de lignes horizontales et verticales, superposant la couverture en toile de jute, la paillasse à rayures bleues et blanches sur le sommier gris du lit en bois. Par un subtil jeu de lumière, le battant ouvert de la porte à gauche vient délicatement ombrer une partie de la pièce, laissant dans une semi-obscurité le profil fuyant et quelque peu énigmatique du modèle. La position demi-assise de ce dernier, reposant sur un large oreiller finement brossé, les épaules dénudées et le bras étendu le long du corps, paraît suggérer une convalescence et confère par là-même une dimension plus tragique à cette scène silencieuse. En supposant l’évanouissement de la consciencepropre au sommeil, notre œuvre s’inscrit déjà dans l’un des thèmes de prédilection du symbolisme, et rapproche Wéry de ses contemporains Vuillard et Bonnard.
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