Présentation
Dernier d’une famille de six enfants, fils d’un tailleur et marchand, directeur d’une manufacture de vêtements, Henry Weston Keen ne débute véritablement son activité de graveur et d’illustrateur qu’après son retour des tranchées de la Grande Guerre, suite à sa mobilisation en 1917, à l’âge de dix-huit ans, sur le front en France. Exposant ses lithographies au Senefelder Club de Londres, il développe un univers surréaliste très original au symbolisme parfois troublant, en partie inspiré par les images stylisées et sinueuses d’Aubrey Beardsley. Il suscite l’intérêt de l’un des anciens éditeurs de ce dernier, John Lane, qui lui confie l’illustration d’ouvrages de luxe à tirage limités, réservés aux bibliophiles. Henry Weston Keen illustre ainsi abondamment quatre livres de premier ordre, parfois introduit par un auteur contemporain de référence : The Twilight of the Gods and Other Tales de Richard Garnett en 1924, préfacé par Thomas Edward Lawrence ; The Picture of Dorian Gray d’Oscar Wilde l’année suivante, avec une introduction d’Osbert Burdett ; Zadig et autres romans de Voltaire en 1926, traduit du français par Woolf et Wilfred Scarborough Jackson, et enfin The Duchess of Malfi and The White Devil, réunion de deux célèbres pièces de John Webster en 1930. Atteint de la tuberculose, Keen meurt prématurément à l’âge de 35 ans en juin 1935 àWalberswick dans le Suffolk, où il s’était retiré pour se soigner. En octobre de la même année, la Twenty-One Galleryde Londres lui rend hommage en organisant une exposition posthume de ses dessins et lithographies, éditant pour l’occasion un catalogue préfacé par Edward Garnett.
Mêlant crayon et encre de chine sur papier, notre méticuleux dessin illustre bien le symbolisme parfois complexe et étrange d’Henry Weston Keen. L’artiste représente avec humour un nain chauve et pourvu d’une queue, engoncé dans un costume de dentelles shakespearien, perché sur ses talons aiguilles, faisant sa révérence à un crâne renversé, un masque noir et une rose blanche.
Par leurs tailles, ces différents éléments viennent souligner l’échelle exagérément minuscule, ou liliputienne, du nain occupant la partie droite de la feuille. Par son graphisme abondant privilégiant les seuls noir et blanc, Henry Weston Keen mélange les influences japonaises et rococo pour proposer, à l’image de Beardsley, un art à la limite du grotesque et du décadent, apparaissant comme une satire de l’hypocrisie de la bonne société britannique. Si l’iconographie précise demeure mystérieuse, notre dessin a été publié en 1922 dans la revue The Golden Hind, fondée par Austin Osman Spare et Clifford Bax, et éditée trimestriellement entre octobre 1922 et juillet 1924 (fig. 1). Bien qu’éphémère, ce magazine s’inscrit au sein d’une tentative plus globale de concilier un modernisme radical à une certaine tradition, trouvant parfois refuge dans une nostalgie conservatrice. Connaissant un certain succès, la revue a pu bénéficier du soutien d’écrivains comme Naomi Michison, Aldous Huxley, George Sheringham, et Cecil French, ainsi que plusieurs illustrateurs reconnus tels John Austen, John Nash, Glyn Philpot, Robert Gibbings, Jack Yeats et Alan Odle.
Œuvres
Expositions