Présentation
Sommairement signé « Musidora », notre petit dessin constitue un rare témoignage de l’œuvre dessiné de l’une des plus importantes vedettes du cinéma français des années 1910.De son véritable nom Jeanne Roques, Musidora nait en 1889 à Paris au sein d’une famille modeste d’artistes. Ses parents, un compositeur et une femme de lettres, lui transmettent des valeurs de liberté et de modernité dans lesquelles l’art tient une place prépondérante. D’abord attirée par le dessin et la peinture, Jeanne entreprend des études aux Beaux-Arts de Paris avant de trouver dans le théâtre sa véritable vocation. Multipliant les rôles aux Folies Bergères, elle se fait appeler « Musidora », un surnom emprunté à l’œuvre Fortunio de Théophile Gautier. C’est lors de l’une de ces représentations que Louis Feuillade la repère un soir de l’année 1913. Charmé en particulier par ses yeux, ce dernier la fait intégrer les studios Gaumont, au sein desquels ils tourneront ensemble une trentaine de « vaudevilles » muets à grand succès. En 1915, Musidoratriomphe à l’écran en incarnant Irma Vep, l’héroïne sulfureuse du nouveau serial Les Vampires. Sa silhouette moulée d’une tenue de soie noire signée Paul Poiret suscite d’emblée la fascination. Musidora devient rapidement un mythe : « la dixième muse » d’André Breton, le père des surréalistes qui voit en elle l’image de la femme moderne. En associant séduction et cruauté, Irma Vep est d’emblée assimilée à l’archétype de ce qu’on appellera plus tard la « femme fatale », que Musidora, dirigée en ce sens par Louis Feuillade, ne cessera d’alimenter à l’écran, mais aussi dans la vie. A la fois belle, sensuelle et audacieuse, elle nie les frontières de genre en s’habillant à l’écran en garçon ou en fille, et en acceptantles missions les plus dangereuses. Amie de Colette, Pierre Louÿs et Marcel L’Herbier, elle en vient à diriger ses propres films à partir de 1916, devenant ainsi la troisième femme réalisatrice française avec Alice Guy et Germaine Dulac. Le développement de sa notoriété l’amène à créer en 1919la Société des Films Musidora avec le patron de presse Félix Juven. Dans une société bouleversée par l’enlisement de la Première Guerre mondiale, Musidora est élevée au rang demythe vivant, marquant plusieurs générations par sa silhouette singulière et ses grands yeux noirs, jusqu’à s’inscrire durablement dans la mémoire collective.
Rapidement croqué au fusain par Musidora l’année même de la création de sa société de production cinématographique, notre saisissant petit autoportrait retranscrit sur la feuille tout ce qui a fait la singularité et le succès de la jeune actrice et réalisatrice de trente ans. En effet, si le corps d’Irma Vep a cristallisé les interrogations plastiques et esthétiques de son temps, l’idéal photogénique du pâle visage percé de grands yeux noirs très expressifs de Musidora a longtemps concentréles désirs d’un cinéma français encore à ses premiers balbutiements.
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