Présentation
Une certaine confusion règne encore aujourd’hui quant aux dates et lieux de naissance et de mort dAlbert Lynch, et cela tient en grande partie au mythe qu’a forgé ce dernier autour de sa propre personne. Si les catalogues des expositions mentionnent pendant toute sa carrière les villes de Lima ou Trujillo, au Pérou, le peintre serait en réalité né en 1860 à Gleisweiler, dans le royaume de Prusse. Les relations entre la France et l’Allemagne au lendemain de la guerre franco-prussienne incitent sans aucun doute l’artiste, établi à Paris avec sa famille depuis sa prime jeunesse, à opter pour la nationalité de son père Diego Lynch, originaire deChachapoyas. La deuxième raison, plus commerciale, trouve sa source dans la carrière même de l’artiste. Peintre mondain à succès dont les sujets de prédilection sont de jeunes modèles féminins au traits raffinés, il préfère cultiver une identité plusexotique en se présentant comme un artiste péruvien aux origines irlandaises, dont le talent si prodigieusement précoce aurait justifié sa venue très tôt à Paris, capitale des arts. Formédans les ateliers de Jules Noël, Henri Lehmann et Gabriel Ferrier à lÉcole des Beaux-Arts de Paris, il expose au Salon à partir de 1879, où il obtient plusieurs récompenses officiellesen l890 et 1892. Dès 1899, il prend part aux expositions de la Société internationale de peinture et de sculpture, accueillies chaque année par la galerie George Petit, et reçoit des commandes du monde entier, en particulier aux États-Unis où sa peinture est très prisée. Participant à lExposition universelle de l900 sous pavillon péruvien, Lynch remporte une médaille d’or en présentant une séduisante série de portraits féminins (cat. n° 14 à 18), avant d’être fait chevalier de la Légion d’honneur l’année suivante. Soucieux de la diffusion de son pinceau, il met son talent au service de l’illustration de romans célèbres, ornant de ses aquarelles La Dame aux camélias dAlexandre Dumas fils, Le Père Goriotde Balzac et La Parisienne dHenry Becque. 
« Il va doucement au profond des êtres et s’approche de leur âme comme par une jolie et subtile caresse. Il porte à la traduire, une mélancolie qui, reflétée sur la femme, la poétise et lagrémente ». Alliant une parfaite maitrise technique à un sujet ravissant, notre petite huile sur panneau concentre tout ce qui a fait le succès d’Albert Lynch et suscité en 1901 les éloges d’Henri Frantz. Avec une grande économie de moyen, l’artiste a rapidement saisi le visage dune jeune femme au regard pénétrant. Utilisant l’huile comme de la gouache ou de l’aquarelle sur le support préparé blanc, il traduit en quelques coups de pinceaux assez fluides lexpression des yeux, le rouge à lèvre carmin couvrant sensuellement la bouche, les sourcils noirs sous la large chevelure châtain nouées de roses, le décolleté blanc de la robe. Autant d’éléments quiintroduisent le spectateur dans le monde de la haute bourgeoisie, reflet d’une élégance sophistiquée et de sentiments courtois, à limage dune époque qui a fait de la grâce féminine son emblème, et dont les chantres, outre Lynch, se nommaient Stevens, Blanche et Boldini.
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