Présentation
Né à Anvers, Émile Delrue est un peintre et décorateur belgedont l’œuvre singulière n’a pas encore dévoilé tous ses mystères. Vraisemblablement imprégné de l’idéal symboliste, l’artiste a très tôt intégré le cercle d’avant-garde ‘De Scalden’, fondé en 1889 dans sa ville natale sous la conduite du médailleur, sculpteur, affichiste, graveur et designer anversois Jules Baetes. L’expression ‘De Scalden’ peut être traduite littéralement du néerlandais par « Les Scaldes », faisantréférence, non sans un certain humour, aux bardes et poètes scandinaves du Moyen-âge. Le groupe a pour objectif principal d’organiser des expositions associant beaux-arts, arts décoratifs et arts appliqués, prolongeant ainsi en Belgique les idéaux portés par les Arts and Crafts et l’art nouveau en lui mêlant parfois certains éléments plus archaïques qui lui sont propres, empruntés à la renaissance flamande. Outre des peintres, des graveurs et des sculpteurs, ce cercle a la particularité de rassembler architectes, poètes, écrivains, compositeurs, travailleurs de cuir, décorateurs, forgerons, ciseleurs, affichistes et maîtres verriers, allant jusqu’à totaliserplus de cent-vingt membres. En plus des expositions, ils sont à l’origine à Anvers de plusieurs carnavals et autres événements festifs, qui sont autant d’occasions de concevoir des costumes, chars et bannières. Si la Première Guerre mondiale et l’invasion de la Belgique par l’Allemagne met fin à ‘De Scalden’, Emile Delrue poursuit sa carrière en développant une activité ingénieuse d’affichiste et de décorateur, notamment en réalisant en 1923 l’intégralité des décors aux motifs stylisés de plantes et de fleurs, puisés dans le répertoire art nouveau, de la nouvelle villa du joaillier Raymond Ruys, implantée dans le « nouveau parc » de Wilrijk, quartier de luxe d’Anvers.
Par son iconographie étrange, notre grand pastel nous plonge dans l’univers onirique d’Émile Delrue, manifestement épris d’un symbolisme noir et singulier. Son titre apposé en lettres majuscules en bas à gauche, « Kerkspinnen », identifie ici les« araignées d’église » peuplant de leurs toiles les anciennes voûtes des édifices gothiques. Delrue représente quatrebestioles anthropocéphales aux longues pattes velues s’agrippant les unes aux autres autour d’un chapiteau comme des singes laineux dans leur jungle. Si l’araignée habite toutes nos croyances, peurs et fantasmes depuis l’Arachné antique des Métamorphoses d’Ovide jusqu’aux Noirs d’Odilon Redon, en passant par les illustrations de Gustave Doré ou d’Arthur Rackham, Emile Delrue en propose une représentation plus tendre, souriante et pleine d’humour. Il semble même accorder une certaine sensualité à ces êtres hybrides en leur ajoutant des attributs plus explicitement féminins, tels des seins et de longues chevelures. Vivantes gargouilles aux vertus apotropaïques, elles paraissent se fondre parfaitement dans le décor médiéval de l’église. Toutefois, les araignées de Delruegardent leur caractère vénéneux et maléfique si l’on se fie au jeu de perspective mis en place par l’artiste les associant à unvitrail d’Adam et Ève mangeant du fruit défendu. Dominant le couple primitif en train d’opérer son péché originel, l’une d’entre elle, suspendu à sa toile, a ainsi pris la place laissée vacante du serpent tentateur de la Genèse.
Œuvres
Expositions