Présentation
Né à Nancy, fils d’un sculpteur et d’une brodeuse, Camille Martin se tourne naturellement vers les arts et effectue sa formation à l’École des Beaux-arts de la ville, où il suit l’enseignement du peintre Louis-Théodore Devilly. Il y rencontre Émile Friant et Victor Prouvé qui deviennent des amis et d’intimes collaborateurs. Lauréat du prix Jacquot en 1881, il rejoint l’École des arts décoratifs de Paris, où il intègre l’atelier d’Edmond Lechevallier-Chevignard. L’artisteexpose dès 1882 au salon de Nancy des peintures empreintes du naturalisme de Jules Bastien-Lepage qui suscitent l’intérêt du critique Roger Marx, avec qui il noue une profonde amitié. Entre 1884 et 1891, il participe presque chaque année au Salon des Artistes Français. Sa rencontre avec le peintreHokkai Takashima en 1885 sensibilise Camille Martin à l’art japonais qui influe fortement son style. Il s’attache à dépeindreles paysages vosgiens en s’essayant à des techniques comme l’émail et la céramique en collaboration avec Gustave Schneider, et travaille également l’eau-forte, la pointe sèche, l’aquatinte, l’affiche, le vitrail, le cuir et le bois-brûlé. En 1893, pour sa première participation au salon de la Société Nationale des Beaux-arts, il collabore avec Prouvé et René Wiener pour présenter neuf reliures très ornées aux cuirs gaufrés et patinés, fortement influencées par le japonisme, qui frappent la critique et confèrent à cette nouvelle école lorraine une reconnaissance internationale. Les commandes affluentvers les trois artistes, qui se voient entre autres confier la réalisation de la reliure de L’Histoire de Paris. Se tournant plus résolument vers les arts décoratifs, Camille Martin privilégie désormais la section Objets d’art au Salon, collaborant encore avec Prouvé en 1894, avant de présenter ses créations d’influence nipponne sous son seul nom de 1895 à 1898. Lorsque survient son décès en 1898, d’une maladie du cœur dont il souffrait depuis quelques années, Camille Martin fait l’objet de nombreux éloges, tels ceux de Roger Marx : « Il fut parmi les premiers à préconiser les applications du beau à l’utile, et il le faut tenir encore pour un des meilleurs artisans de la renaissance décorative par où s’est attestée la vitalité de notre génie provincial ». En 1899, une exposition lui rend hommage aux galeries Poirel à Nancy, avant que son atelier ne soit dispersé.
Daté de 1895, notre tableau compte parmi les rares peintures aujourd’hui localisées de Camille Martin, dont la majorité du corpus peint se trouve au musée de l’Ecole de Nancy, qui a consacré une importante rétrospective à l’artiste en 2010. A travers une touche souple et libre associé à un dessin précis assez proche de Friant, le peintre se livre ici à un certain intimisme en figurant le portrait d’une jeune fille dans un intérieur cossu et bourgeois, chargé d’objets d’art. Le modèle, assis sur un élégant fauteuil en bois de style Louis XV, paraît saisi dans un moment de rêverie ou de mélancolie qui lui a fait arrêter son délicat travail de broderie. Avec une pointe d’humour, Camille Martin a disposé juste en face d’elle, sur le guéridon de style Louis XVI, la gueule ouverte d’un aquamanile saxon en forme de lion. Ce curieux objet en bronze doré, datant vraisemblablement de la fin du XIIIème siècle, accompagné d’un vase cylindrique en grès art nouveau, vient témoigner de l’intérêt prononcé du peintre pour les arts décoratifs. Ce dernier est confirmé par la présence au centre de la composition d’un majestueux vase rouge garni de lézards, peut-être exécuté par la verrerie Daum. Autant d’éléments qui semblent justifier les compliments formulés par Auguste Rodin, dans une lettre qu’il adresse à Camille Martin le 14 juillet 1892 : « Bons souhaits pour vous mon cher artiste qui avez le goût, chose rare ».
Œuvres
Expositions