Présentation
Figure du Montmartre de la fin du XIXe siècle, fils d’une couturière et d’un tailleur de la rue des Innocents, Frédéric-Auguste Cazals est artiste autodidacte au langage singulier. Tour à tour écrivain, chansonnier, dessinateur et illustrateur, il est surtout connu pour les portraits qu’il trace de ses compagnons ou amis, parmi lesquels Paul Verlaine, dont il réalise plus de cent cinquante portraits, le plus souvent croqués sur le vif, entre 1886 et 1896, année de la mort du poète à l’hôpital Broussais. Par Verlaine, Cazals fait la connaissance de tous les poètes et écrivains symbolistes de la capitale. C’est ainsi qu’il entretient une correspondance avec Stéphane Mallarmé et fonde en avril 1888 la revue Le Paris littéraire, accueillant notamment Gustave Kahn, Paul Adam, Édouard Dubus et Louis Dumur. Il s’adonne lui-même à l’illustration des ouvrages de Verlaine, notamment les Dédicaces en 1890, et le recueil Mes hôpitaux l’année suivante. Exposant régulièrement ses dessins et caricatures au Salon des Cent à partir de mai 1894, il réalise l’affiche de la 7e exposition se déroulant en décembre de la même année, ens’amusant à mettre en scène Paul Verlaine et Jean Moréas se livrant à l’exercice de la critique d’art (fig. 1). S’il ne cesse de collaborer à de nombreux périodiques, tels La Halle aux charges, Les Hommes d’aujourd'hui , La Plume, Les Hommes du jour, Jugend, La Revue bleue, sa présence demeure assez ponctuelle sur les cimaises des manifestations officielles, n’exposant qu’à deux reprises une série de portraits dessinés de Verlaine au salon de la Société nationale des Beaux-arts, en 1899 et 1903. En 1923, il rend un ultime hommage à son illustre ami en publiant Les derniers jours de Paul Verlaine au Mercure de France.
Figurant Jean Moréas, également rencontré par Verlaine, notre dessin témoigne de l’acuité satirique dont savent faire preuve la plume et le pinceau de Cazals. Mêlant sur le papier l’encre de Chine et les crayons de couleurs, l’artiste représente le célèbre poète et critique, incurable dandy, debout, de dos, coiffé de son haut-de-forme et vêtu de son grand manteau, tenant dans sa main gauche un cigare dont la fumée vient étrangement donner en toutes lettres l’identité de son fumeur : « Moréas ». Cazals parvient à suggérer la silhouette reconnaissable de ce dernier, son grand nez, son monocle et à sa proéminente moustache noire napoléonienne. En observant bien, l’artiste s’amuse en proposant une véritable radiographie du squelette de son ami, le transformant ainsi en une subtile allégorie de la mort venue par ses critiques faucher les ambitions des jeunes créateurs. De manière truculente, il annote enfin son dessin d’une hypothétique citation de Moréas : « Mon cœur est un cigare éteint depuis quelques temps !… », dont les excès semblent annoncer les célèbres Stances, recueil que le poète publiera en 1899. Bien qu’il l’ait offert à son ami journaliste et romancier Henry Gauthier-Villars, il faut croire que Cazals était attaché à ce dessin car il l’emprunte à ce dernier pour le présenter en 1895 à la 13èmeexposition du Salon des Cent (cat. n° 28), où il ne fait aucun doute qu’il sut faire sourire le principal intéressé.
Œuvres
Expositions