Ottilie Maclaren Wallace 1875-1947

Née à Édimbourg, Ottilie Maclaren[1] intègre en 1895 l’atelier du sculpteur James Pittendrigh MacGillivray, connaissance de son père, haut magistrat et collectionneur. En 1897, elle parvient à convaincre ses parents de la laisser partir à Paris pour parfaire son éducation artistique. Elle étudie dans un premier temps à l’Académie Colarossi de Montparnasse, où elle suit les enseignements de Jean-Antoine Injalbert et Denys Puech, et se lie d’amitié avec la sculptrice américaine Sarah Whitney. C’est aux côtés de cette dernière qu’Ottilie Maclaren tente en 1899 de recevoir les leçons de Camille Claudel, sans succès. C’est finalement Auguste Rodin qui accueille cette même année les deux jeunes artistes dans son atelier. Pendant plus de deux ans, la jeune écossaise bénéficie des conseils du maître et l’assiste dans ses chantiers, notamment dans l’organisation de la retentissante exposition du pavillon de l’Alma, en marge de l’Exposition universelle de 1900. Maclaren tisse peu à peu une relation privilégiée avec Rodin, qu’elle qualifie de « père[2] » , et dont elle adopte les principes plastiques. Sans doute encouragée par le sculpteur, elle expose un buste en plâtre au Salon de la Société Nationale de 1903, puis un autre en bronze l’année suivante. Surtout, elle prend régulièrement part aux expositions de la Société Internationale des sculpteurs, peintres et graveurs à Londres à partir de 1905. C’est également au sein de la capitale britannique qu’elle ouvre un atelier de sculpture en 1904, afin de diffuser l’esthétique de Rodin outre-manche. En parallèle, elle s’implique au sein du Three Arts Club, constitué de femmes artistes, et expose à la Royal Scottish Academy d’Édimbourg, où l’un de ses marbres, figurant un masque surgissant des nuées, est en 1906 directement rapproché de l’œuvre de son maître.

Daté de 1909, le buste d’homme en plâtre patiné que nous présentons illustre par certains égards l’influence encore prégnante qu’exerce Rodin sur la sculptrice écossaise. Il est signé « Wallace », du nom du compositeur britannique William Wallace, qu’Ottilie Maclaren épouse à Edimbourg en 1905, et dont elle adopte par la suite le patronyme lors de ses expositions.  Échappant aux conventions du portrait sculpté, notre buste offre la part belle aux traces du modelage, laissées volontairement visibles à la base et se prolongeant en épais morceaux dans la barbe et la chevelure. Avec ses boulettes de glaise nerveusement écrasées, laissant parfois apparentes les empreintes de pouce, cette texture morcelée proprement rodinienne de la partie inférieure vient contraster avec la facture plus polie du visage, donnant ainsi l’illusion que ce dernier émerge directement de la masse de terre. En mettant ainsi en valeur les marques du travail, Maclaren se souvient ici de la leçon démiurgique de Rodin qui impose sa main au chaos de la matière. Toutefois, la sculptrice se démarque quelque peu de l’expressionnisme lyrique de son maître dans le rendu plus synthétique des traits de son modèle. Malgré l’aspect proéminent du front dégarni et le nez marqué, elle ne souligne aucune saillie, aucun muscle, aucune ride, et creuse à peine les yeux, laissant planer le doute sur leur caractère ouvert ou clos. Sans doute consciente de cet écart sémantique, elle vient conférer un peu plus d’expressivité et de mystère à son buste en appliquant tout contre la joue droite une main jaillissant du monticule glaiseux de la base. Si l’attitude peut être rapprochée des portraits sculptés de Jean Dampt, le symbolisme du geste semble révéler la vie intérieure du modèle, entre réflexion et détresse, et constitue par là même la part propre du génie d’Ottilie Maclaren.