Présentation
Né en 1853 à Javerlhac, en Dordogne, Fernand Desmoulin poursuit des études secondaires à Angoulême, avant de se rendre à dix-huit ans à Paris pour y étudier la médecine. C’est dans la capitale qu’il se découvre brusquement une vocation artistique et se tourne en premier lieu vers le dessin d’illustration, qui l’aide péniblement à survivre. Après plusieurs années difficiles qui le voit s’occuper alternativement de commerce, parcourir l’Europe, étudier la nature et ses paysages, il rencontre un premier succès en Angleterre qui le décide à se vouer définitivement à l’art. Revenu à Paris, il suit les enseignements de William Bouguereau et Luc-Olivier Merson, puis fait la rencontre de Félix Bracquemond qui le forme à la gravure. Desmoulins participe au Salon des artistes français dès 1883, avant de privilégier le nouveau Salon de la Société Nationale des Beaux-arts à partir de 1891, où ses portraits de Pasteur, Ferdinand de Lesseps, Théodore de Banville et Émile Zola lui forgent une solide réputation. Il tisse en particulier avec l’auteur de Germinal une profonde amitié, illustrant Les soirées de Médan et participant à la rédaction de la fameuse lettre « J’accuse », publiée le 13 janvier 1898 dans L’Aurore, en pleine affaire Dreyfus.
Le pastel que nous présentons fait partie du rare et étrange corpus des œuvres dites « médiumniques » de Fernand Desmoulins, réalisées dans un court lapses de temps de deux années, entre 1900 et 1902. Obscures, méconnues de ses proches mêmes, elles ne furent révélées qu’après la mort de l’artiste, lorsque sa veuve Emma van Oosterom fit don de certaines feuilles au Musée de Brantôme, dans le Périgord, aux côtés d’objets archéologiques qu’avait collectionnés son époux. Esprit positif et à l’origine plutôt sceptique, Desmoulins se tourne vers le spiritisme après la mort de sa première femme Gabrielle Génie en 1894, puis sa séparation d’avec sa nouvelle compagne en 1899. Conçue en marge de sa carrière officielle, son œuvre médiumnique débute un soir de juin 1900, après une séance de spiritisme chez l’écrivain Catulle Mendes. A l’occasion d’une conférence, l’artiste lui-même décrypte l’origine de sa démarche : « Je me mis devant mon papier blanc et pris la plume. Aussitôt ma main se mit en mouvement et je traçai, sans savoir ce que je faisais, des figures étranges qui ne ressemblaient à rien d’habituel[1] ». Sans aucun contrôle, l’artiste laisse ainsi sa main trembler, sursauter, pour finalement courir sur le papier, prise de frénésie, griffant le support en traits concentriques et embrouillés. Faisant corps avec le dessin, la signature rouge « Ton » apposée en bas à droite est tout aussi involontaire et occulte. Elle semble incomplète si on la rapproche d’une signature récurrente pour ce type de dessin, « Astarté, ton vieux maître », renvoyant à l’antique divinité phénicienne avec laquelle l’esprit de Desmoulins communiquerait inconsciemment. Émergeant au centre de l’éventail semi-circulaire telle une apparition, le visage d’une femme aux yeux clos, à la chevelure blonde, est ici associé aux effets nuageux d’un coucher de soleil comme pour suggérer une allégorie du sommeil, offrant le contrepoint graphique apaisé d’un occultisme nocturne plus tourmenté.
[1] Jean-Louis Lanoux et Djohar Si Ahmed, Fernand Desmoulin : Œuvres médiumniques (1900-1902), Paris, abcd et Galerie Messine, 2002, p. 17-18.
Expositions