Fils du sculpteur Pierre-Amédée Brouillet, André Brouillet entreprend en 1876 des études d’ingénieur à l’École centrale Paris avant de se tourner résolument vers la peinture et d’intégrer en 1879 l’atelier de Jean-Léon Gérôme à l’École des Beaux-Arts. La même année, il participe pour la première fois au Salon, et suit peu après l’enseignement de Jean-Paul Laurens.
Il multiplie rapidement les récompenses, obtenant une mention honorable en 1881, une troisième médaille en 1884 et une deuxième l’année suivante. Inspiré par Gérôme, Brouillet s’adonne à la peinture orientaliste à la faveur de la découverte qu’il fait à partir de 1883 de l’Algérie, pays natal de son épouse Emma Isaac, fille d’un riche banquier et négociant juif de Constantine. Peintre d’histoire et portraitiste reconnu, il s’attache également à la réalisation de cartons de tapisseries ainsi qu’à l’illustration de presse, dessinant régulièrement pour le Paris Illustré et le Figaro Illustré. C’est par le biais d’une commande publique qu’il se rend pour la première fois en Grèce en 1901, chargé de peindre pour la Sorbonne la figure d’Ernest Renan méditant sa prière sur l’Acropole, une toile monumentale exposée au Salon de la Société Nationale des Beaux-arts de 1902 (fig. 1). Promu officier de la Légion d’honneur en 1906, Brouillet reçoit cette même année la médaille d’or du Salon. Il meurt brutalement dans les circonstances tragiques de la Grande Guerre, frappé de congestion le 6 décembre 1914 alors qu’il était parti sur une route glacée porter secours à un convoi de réfugiés belges.
Contrairement à ce que son sujet grec suggère, notre tableau n’a pas été réalisé à l’époque ou André Brouillet travaille sur sa grande toile de la Sorbonne, mais en 1903, à l’occasion du deuxième voyage qu’il effectue à Athènes, afin de réaliser le portrait de la reine Olga de Grèce. L’artiste ne manque pas de retourner sur l’Acropole et d’y saisir sur le motif notre petite huile sur toile, à la lueur rougeoyante du soir. Il porte ici son attention sur le petit temple ionique d’Athéna Nikè, qui occupe un promontoire fortifié dans le coin sud-ouest, sur la droite des Propylées. Cette position de choix offre l’opportunité à Brouillet de capter à droite les lumières changeantes du soir, la lune apparaissant tout juste, dominant la vue plongeante sur le golfe Saronique et le port du Pirée. En fin littéraire, il titre son étude d’un extrait naturellement à propos de la célèbre Prière sur l’Acropole de Renan, qualifiant le temple d’Athéna de « linceul de pourpre où dorment les Dieux morts[1] ». L’œuvre est enfin dédicacée à Henriette, épouse du député et ministre Gaston Thomson et cousine de Marcel Proust. Parisienne réputée et influente dans la sphère littéraire et artistique de son temps, Henriette était également très proche d’Emma Isaac, femme de l’artiste. Aux côtés de son époux, elle incarne ce milieu fortuné dont la fréquentation a assuré à Brouillet une carrière de portraitiste mondain[2].
Fig. 1 : André Brouillet, La Prière sur l’Acropole, huile sur toile (2,37 x 4,04 m), Exp. S. N. 1902 (cat. n° 245), Paris, petite salle des commissions de la Sorbonne.
[1] « La foi qu’on a eue ne doit jamais être une chaîne. On est quitte envers elle quand on l’a soigneusement roulée dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts », Renan, Ernest, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, chap. II, La Prière sur l’Acropole, Paris, Calmann-Lévy, 1883, p. 73.
[2] Le Portrait d’Henriette Gaston Thomson par Brouillet, également intitulé Une parisienne en 1893 (huile sur toile, 150 x 100 cm) est aujourd’hui conservé au musée Sainte-Croix de Poitiers.