Présentation
Salomon-Léon Sarluis nait en 1845 au sein de la communauté juive de La Haye, d’un père antiquaire et d’une mère allemande. Après avoir étudié à l’École des beaux-arts de sa ville natale de 1891 à 1893, il s’installe à Paris en 1894. Introduit par Armand Point, il intègre progressivement les milieux symbolistes, où l’on admire sa beauté juvénile et androgynique, et prend part en février 1896 au banquet offert à Émile Verhaeren. Protégé par Elemir Bourges, il expose cette même année au cinquième Salon de la Rose+Croix de Joséphin Péladan. Il en réalise l’affiche avec Point, et suscite le scandale en figurant un Persée brandissant la tête coupée et sanguinolente d’Émile Zola, illustration crue de la bataille menée contre le naturalisme de ce dernier par le jeune salon idéaliste. S’attachant à des sujets mythologiques et bibliques, la peinture de Sarluis frappe par sa singularité et rencontre un vif succès auprès de la critique, suscitant même l’admiration de Degas et Puvis de Chavannes. Sous l’influence de Point, il développe un art alliant une technique inspirée de la Renaissance et des préraphaélites à un style à la fois trouble et sensuel. En hommage à Vinci, Sarluis prend le prénom de « Léonard » comme pour souligner sa filiation et s’adonne à la réalisation de grands formats symbolistes. Fréquentant l’élite artistique et littéraire du mouvement, il tisse des liens d’amitié avec Oscar Wilde et bénéficie d’une riche clientèle privée, expliquant en partie l’irrégularité de ses participations au salon du Champs-de-Mars. Naturalisé français durant la Grande Guerre, il bénéficie d’une importante exposition personnelle à la galerie Bernheim en 1919. Fidèle à ses principes esthétiques, il illustre en 1923 le Voyage au pays de la quatrième dimension de Pavloski, puis se consacre pendant plusieurs années à une « Mystique de la Bible » en 360 tableaux qu’il essaie vainement d’exposer à Paris en 1926, avant de les présenter finalement aux Grafton Galleries de Londres en 1928.
L’œuvre que nous présentons, mêlant dans un camaïeu ocre, jaune et brun un alliage graphique sophistiqué essentiellement composé de fusain, d’aquarelle et de gouache, illustre parfaitement le goût singulier de Sarluis pour les figures suggestives, empreintes de mystères. L’artiste représente un jeune homme au regard évocateur, dont les traits fins et passablement androgynes évoquent sa propre physionomie, dans une pose lascive. A l’image des primitifs flamands, le modèle tient délicatement dans sa main droite la branche d’une rose, symbole du sentiment amoureux, mais dont les épines renvoient depuis le Moyen-âge à la couronne du Christ et rappellent par là-même le passé rosicrucien de Sarluis. Comme souvent chez ce dernier, la figure est vêtue d’une toge, couverte d’un bonnet d’artiste de la Renaissance et placé dans un décor architecturé qui s’ouvre sur un paysage à l’arrière-plan. Le peintre multiplie ses sources d’inspiration plastique, puisant auprès des nordiques un goût exacerbé du détail et une méticuleuse perfection du dessin, et empruntant la posture maniériste aux maîtres italiens. Malgré son grand format, Sarluis parvient ainsi à conférer à cette figure énigmatique une dimension intime, et cela tient en partie au degré d’aboutissement qu’a atteint sa technique.
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Expositions